jeudi 5 novembre 2009

Morceaux de poèmes (Partie 2)

Amérique française (Andrée Maillet 1964)

Je ne suis pas née pour servir un mâle mais pour accomplir l'espèce humaine.

Je suis l'humanité femelle. Ce qui se crée sans moi est illusoire, temporaire; je donne un sens à tout car on bâtit pour moi.

Je suis l'amibe et le cristal, je suis le commencement des temps.

Vie, j'ai donné la vie; je l'ai donné mâle et femelle.

Je ne suis venue ni avant, ni après, ni de ta côte, ni de ta solitude, ni grâce à ta sollicitude, mais je suis venue en même temps que toi.

Je suis Dieu par mon essence et tu ne te diviniseras jamais sans moi.
(...)


Les femmes (Pauline Julien 1974)

Les femmes sont toujours un p'tit peu plus fragiles
Elles tombent en amour et se brisent le coeur
Les femmes sont toujours un p'tit peu plus inquiètes
Dites-moi messieurs, les aimez-vous vraiment

Vous les fabriquez mères toutes aimables
Miroirs de justice, trônes de la sagesse
Vierges très prudentes, arches d'alliance
VOUS RÊVEZ MESSIEURS BEAUCOUP

Les femmes se font toujours un p'tit peu plus jeunes
vous r'gardez si souvent les filles de seize ans
Les femmes sont toujours un p'tit peu plus timides
Serait-ce messieurs que vous parlez trop

Vous les baptisez salut des infirmes
Reines des patriarches, roses mystiques
Mères du bon conseil, vierges clémentes
VOUS RÊVEZ MESSIEURS BEAUCOUP

Les femmes sont souvent un p'tit peu plus légères
Les hommes sont toujours tell'ment extraordinaires
Les femmes, on le dit, sont parfaitement libres
Mais à la condition de bien suivre vos lois

Vous les exigez étoiles du matin
Vases spirituels, mères sans tache
Vierges vénérables, tours d'ivoire
VOUS RÊVEZ MESSIEURS BEAUCOUP

Mon Dieu que les femmes sont dev'nues exigeantes
Elles ne pleurent plus, ne veulent même plus attendre
En amour et partout, elles prennent ce qu'elles demandent
Mais demain, mon amour, nous serons plus heureux ensemble
Mais demain, mon amour, nous serons plus heureux ensemble

En amour, mon amour
En amour, mon amour
Ensemble


3. La splendeur (Louky Bersianik 1980)

laisse-moi t'approcher
laisse-moi te toucher toute et te fragmenter par petites touches
laisse-moi ma plurielle de fond en comble te dévaster
trouver réunies au secret ma soif et mon ruisseau ma verdure et ma faim
lécher jusqu'au coeur notre vaste complot
laisse mon corps immobile entrer chez lui par les seuils incalculables de ton corps inamovible
laisse s'accomplir à l'infini vertigineux du temps vertical cette opération-extase infiniment longue et infiniment aimable
que mon désir me conduise à tes seins et que le satin soit la doublure de ma bouche tissé sur ton coeur battant
laisse-moi connaître ton sexe et qu'il soit ou non de velours laisse-moi le bercer
laisse-moi recueillir l'huile prodigieuse de cette amande douce pour en lisser les feuillages de ta vulve
laisse-moi naviguer en toi
laisse-moi faire ce naufrage dont nous rêvions et laisse-moi en ta perdition
laisse-moi aborder au clitorivage heureux de ton corps heureux laisse-moi m'y reposer
laisse-moi me reposer en toi de cette définitive splendeur


Brossard, Nicole et Lisette Girouard, Anthologie de la poésie des femmes au Québec, Éditions du remue-ménage, Montréal, 1991, p. 114, 141, 143

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