mardi 10 août 2010

Elles disent que...

Elles disent qu'elles exposent leurs sexes afin que le soleil s'y réfléchisse comme dans un miroir. Elles disent qu'elles retiennent son éclat. Elles disent que les poils du pubis sont comme une toile d'araignée qui capture les rayons. On les voit courir à grandes enjambées. Elles sont tout illuminées en leur milieu, à partir des pubis des clitoris encapuchonnés des nymphes doubles et plissées. L'éclat qu'elles jettent en s'immobilisant et en se tournant de face fait que les yeux se fixent ailleurs n'en pouvant supporter la vue.
- Monique Wittig , Les Guérillères (p.24)

Roman poésie, écrit seulement au féminin, Les Guérillères nous raconte un monde peuplé de femmes, où les femmes se réapproprient leur langage et luttent contre l'oppression masculine. Dans la première partie, Monique Wittig (auteure entre autre de La pensée straight) nous parle de leur mode de vie alors que dans la seconde partie, on voit les femmes guerrières et leur lutte contre les hommes qui veulent les dominer. Le récit est plutôt décousu, composé d'une multitude d'extraits entrecoupé de noms de femmes plutôt que d'un texte suivi. À lire tout de même, car les épopées féministes sont rares!

Elles parlent ensemble du danger qu'elles ont été pour le pouvoir, elles racontent comment on les a brûlées sur des bûchers pour les empêcher à l'avenir de s'assembler. Elles ont pu commander aux tempêtes, faire sombrer des flottes, défaire des armées. Elles ont été maîtresses des poisons des vents des volontés. Elles ont pu à leur gré exercer leur pouvoir et transférer toutes sortes de personnalités dans de simples animaux, des oies des cochons des oiseaux des tortues. Elles ont commandé à la vie et à la mort. Leur puissance conjuguée a menacé les hiérarchies les systèmes de gouvernement les autorités. Leur savoir a rivalisé avec succès avec le savoir officiel auquel elles n'ont pas eu accès, il l'a mis au défi, il l'a pris en défaut, il l'a menacé, il l'a fait paraître inefficace. Aucune police n'a été trop puissante pour les traquer, aucune délation trop opportuniste, aucun supplice trop brutal, aucune armée n'a paru trop disproportionnée en force pour s'attaquer à elles une par une et les détruire. Elles alors entonnent le chant célèbre qui commence par, malgré tous les maux dont ils veulent m'accabler / je reste aussi ferme que le fourneau à trois pieds.
(p.127-128)

Les Guérillères aux Éditions de Minuit

Autres passages ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire