mardi 6 juillet 2010

Femmes, division du travail et sexualité au Honduras

Une camarade qui est présentement au Honduras a écrit ce texte...



Femmes, division du travail et sexualité au Honduras


Petite mise en contexte afin de situer mon article dans son vécu. Je suis au Honduras depuis un peu plus d'un mois et demi. J'ai habité un mois à Tegucigalpa, un grande ville qui est la capitale du Honduras, et j'habite depuis quelques temps dans un petit village nommé Concepcion del Sur, un village d'à peine 3000 habitants. J'ai été jusqu'à ce jour confrontée plusieurs fois au rôle des femmes et le vécu de la sexualité dans ce village où la religion chrétienne est omniprésente et où la mentalité machiste est persistante. J'ai eu plusieurs conversations afin de nourrir mes réflexions et observations dont une très intéressante avec un travailleur social hondurien qui travaille pour vision mondial ici et qui fait des ateliers sur l'éducation sexuelle.

La division sexuelle du travail quotidien à Concepcion est très visible. Durant la journée, les hommes, petits et grands, sont beaucoup plus visibles dans les rues et à l'extérieur que les femmes. Ils ont des loisirs, discutent entre eux dans les parcs du village, jouent avec des amis ou travaillent. Leur travail consiste majoritairement à du travail beaucoup plus physique, comme le travail dans les champs, le transport et des postes d'autorité. De leur côté, le travail attribué aux femmes est beaucoup plus domestique et leur est imposé très jeunes. Elles doivent cuisiner, faire le lavage, s'occuper des enfants et faire les tâches ménagères. Un homme de Tegucigalpa m'a d'ailleurs dit qu'une femme n'accomplissant pas ces tâches ne se trouveraient pas de mari. Dans sa conception de l'épouse parfaite, il est indispensable que celle-ci accomplisse toutes ces tâches. De plus, elles doivent souvent accomplir un travail en prime. À Concepcion, plusieurs femmes fabriquent chez elles des chapeaux de paille à la main toute la journée, de la levée du soleil au coucher dans leur petite maison sombre en terre. La fabrication d'un chapeau leur rapporte 15 lempiras (à peine 0,75$ canadien). Il faut une journée entière pour fabriquer un chapeau en plus des coûts pour les matériaux. À Tegucigalpa, des femmes passent leurs journées entières dans leur cuisine devant la chaleur des fours à tortillas afin que leurs enfants, majoritairement les filles, puissent parcourir le quartier, un grand contenant rempli de tortillas sur la tête, et en vendre. Ces travaux permettent de rapporter ainsi un maigre revenu supplémentaire à la famille.

Les jeunes filles aident à la tâche dès qu'elles ont l'âge de le pouvoir, soit vers 5-6 ans. Les garçons, autant de Tegucigalpa que de Concepcion, se retrouvent plus dans les rues, ont plus de loisirs. Mon hypothèse est que c'est parce qu'ils sont moins accablés de tâches que les petites filles. Il y a pourtant bien quelques femmes qui ont des emplois rémunérés à l'extérieur de la maison comme les enseignantes, mais elles doivent quand même accomplir à leur retour les tâches de la maison. Quelques-unes, plus à l'aise financièrement, peuvent se payer le luxe d'avoir une servante qui va accomplir ces tâches à leur place.

Les relations amoureuses à Concepcion se vivent très différemment qu'au Québec et que dans les plus grandes villes du Honduras. Dans ce petit village où tout le monde se connaît et où l'Église est très présente, les relations amoureuses pré-maritales sont très mal vu par la communauté, surtout celles qui sont vécues au grand jour. On ne voit donc personne démontrer des signes d'affections amoureuses dans les rues. Même les couples mariés conservent l'affection dans la plus grande intimité. Cela n'empêche pas les hommes de tout âge de siffler les femmes dans les rues, de leur envoyer des becs de la bouche et de les interpeller. Une des raisons expliquant pourquoi les relations sexuelles pré-maritales sont très mal vues est l'omniprésence de la religion dans le village, religion qui les juge très fortement. Cependant, même si les relations amoureuses et sexuelles avant le mariage sont très mal vues, beaucoup de personnes, hommes et femmes, en ont secrètement. Quand j'ai voulu savoir pourquoi des hommes très croyants cherchaient à défier les recommandations de l'Église et avoir des relations sexuelles, on m'a répondu que c'était parce qu'ils étaient des hommes. Être un homme venant ainsi avec l'incapacité à l'abstinence sexuelle. Dans un petit village où tout le monde se connaît et où la sexualité pré-maritale est tabou, l'accès à la contraception et aux préservatifs n'en est que plus difficile. Comment se procurer des préservatifs sans que tout le monde sache que la personne a une vie sexuelle active et soit jugée? De plus, les préservatifs se vendent ici que dans les pharmacies, à l'arrière des comptoirs. Il n'y a pas de pharmacie dans le village. Les pharmacies les plus proches sont dans la ville de Santa Barbara, une ville à environ 20 km du village de Concepcion. Je doute fortement que tous les gens de Concepcion aient accès facilement à la ville puisque ce n'est pas tout le monde qui possède un véhicule et qui possède l'argent pour prendre l'autobus. Je crois qu'il n'y a donc aucun préservatif qui se vend dans le village ou à proximité, ce qui en réduit grandement l'accessibilité. Il y a des préservatifs de disponible à la mairie, mais avec les tabous sociaux reliés à la sexualité, je doute fortement que les gens de la communauté qui ne font pas partie des privilégiés un peu plus instruits en profitent réellement. Dans les cliniques médicales, la planification familiale est gratuite pour les femmes. Tous les jours, quelques-unes viennent se faire injecter du depo-provera: c'est leur moyen pour contrôler les naissances. Cependant, ces mêmes cliniques ne distribuent pas de préservatifs afin de protéger contre les maladies transmissibles sexuellement.

La mentalité populaire est que la protection sexuelle et la contraception est la responsabilité exclusive de la femme. Or, dans cette communauté machiste, les femmes n'ont pas toujours devant elles le choix de se protéger. D'ailleurs, la plupart des relations sexuelles hors-mariage sont vécus en cachette et rapidement. La protection n'est pas toujours possible. De plus, l'avortement demeure toujours illégal au Honduras. Les médecins ne peuvent pas le pratiquer légalement. Donc, lorsqu'un «accident» arrive et que l'ovule est fécondée, il n'y a plus de retour en arrière. Dans tous les cas, il subsiste un manque d'éducation en matière de sexualité ainsi que de vieilles mentalités et croyances qui en découle. Les conséquences sont grandes pour les femmes. La plupart des femmes du village ont des enfants très jeunes, à partir de 14-15 ans, souvent avant le mariage. Beaucoup de jeunes femmes se retrouvent seules avec un ou des enfants à faire vivre parce que le père les a abandonnés à leur sort. Pour ce qui est des maladies transmissibles sexuellement, le médecin du village a diagnostiqué un cas de VIH. Cependant, il est inévitable qu'il en ait plusieurs autres non-diagnostiqués encore.

À Concepcion del Sur, j'ai eu une discussion un jour avec une hondurienne de 32 ans. Elle avait 5 enfants dont 2 qui sont décédés en bas-âge. Son premier enfant, elle l'a eu lorsqu'elle avait 15 ans. Son mari était mort depuis quelques années. Elles partageaient avec moi le fait qu'elle était toujours dans la maison à travailler et qu'elle ne pouvait jamais sortir. Elle me disait: «Travailler, travailler, c'est tout ce que je fais». Malgré tout, elle souriait de son sourire aux dents cariés. Et moi devant elle, moi qui ait 21 ans, aucun enfant, moi qui étudie; je me sens loin de sa réalité. Et la réalité qu'elle connait, elle la partage avec des milliers de femmes du pays.



Écrit par Valérie Allard

Je la remercie pour la collaboration spéciale :)

G.S.

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