C'est bien beau de parler de la virginité, de se demander si elle doit avoir une importance ou pas, mais je m'interroge : qu'est-ce que la virginité ? Existe-t-elle vraiment ? Doit-elle exister ?La virginité est un concept social et non une réalité biologiqueOn dit souvent d'une femme qu'elle n'est plus vierge parce que son hymen s'est déchiré. Or, celui-ci peut se déchirer dans d'autres circonstances : il suffit parfois d'un tampon hygiénique un peu épais, d'un mouvement brusque en faisant du sport... Il arrive aussi que l'hymen se déchire en plusieurs fois. Il y a aussi des femmes qui naissent sans hymen. Mais si la "virginité" n'existe pas biologiquement, qu'est-elle au juste, sinon un concept social ?Il existe encore aujourd'hui des personnes qui déclarent d'une fille "dépucelée" qu'elle est enfin "une femme" parce que non vierge (comme dans la chanson de Benabar). Doit-on en déduire que pour devenir "une femme", il faut recevoir l'adoubement du sacro-saint pénis ?Qu'est-ce que la virginité, sinon le culte du pénis et du rapport coïtal ?
Empiriquement, nous savons très bien que le coït ne peut à lui seul résumer toutes les pratiques sexuelles. Nous savons que la masturbation, la sexualité hétérosexuelle sans coït, la sexualité homosexuelle et la sexualité à plus de deux personnes existent. Mais, norme sociale oblige, nous faisons souvent comme si seul le coït existait... La preuve, le terme dédaigneux utilisé pour désigner ce qui précède le coït, "les préliminaires", comme si cela ne comptait pas, comme si seul le coït avait de l'importance... L'expression "rapport sexuel" est fréquemment utilisée pour désigner la pénétration du vagin par le pénis, niant ainsi l'existence de toute autre pratique sexuelle qui n'est pas fondée sur ladite pénétration.
J'ai déjà entendu parler de jeunes filles d'aujourd'hui qui, pour rester "vierges", acceptent la sodomie et d'autres pratiques sexuelles sans coït avec les hommes. Dans un récit de Pascal Quignard, Albucius, est résumé un texte écrit au premier siècle avant JC par l'auteur latin Albucius, sur une future vestale (une religieuse romaine qui devait rester vierge) vendue comme esclave, devenue prostituée, qui faisait comme ces jeunes filles. C'est bien, vingt siècles ont passé, toujours pas de progrès de fait, apparemment.
Le concept de "virginité", c'est le sacre social du pénis : eh oui, chez les femmes le clitoris est un organe uniquement dédié au plaisir, pas besoin donc d'être nécessairement pénétrée pour jouir. Il est intéressant, à ce propos, de regarder comment les pratiques homosexuelles, sans coït pénis-vagin, sont jugées par les lieux communs : si la sexualité entre hommes choque encore certaines âmes pures, son existence n'est pas remise en question, et est fréquemment associée à la sodomie ; en revanche, la sexualité entre femmes est souvent relativisée, voire niée, comme si la sexualité ne pouvait pas exister sans pénis. On entend parfois des gens, des femmes même, se demander ce que des femmes entre elles peuvent bien faire, vu qu'elles n'ont "que des trous" (sic)... "Que des trous" : je trouve cette formulation insultante pour toutes les femmes. Comment des femmes peuvent-elles ainsi en venir à tant mépriser leur corps ? A faire comme ci celui-ci n'existait pas sans pénis sauveur ?Le concept de "virginité", c'est une norme sociale et sexuelle imposée : celle du coït. Aujourd'hui, le mariage n'est plus considéré comme une étape obligée en France, mais la fameuse "première fois" (comprenez "premier coït") semble demeurer incontournable et conserve l'aura sacrée d'une tradition éternelle et inébranlable. Comme si rien n'existait en dehors de la pénétration pénis-vagin. Quel triste manque d'imagination !
A partir de quand n'est-on plus vierge ? Suffit-il d'une caresse manuelle ou buccale ? Les sexs toys sont-ils dotés de la même aura sacrée que le pénis ? Une femme qui couche avec un homme sans pénétration pénis-vagin est-elle vierge ? Une femme qui ne couche qu'avec des femmes est-elle vierge ? Et un homme, quand perd-il sa "virginité" ?
Non, la "virginité" n'est pas une "qualité essentielle"... Pas seulement au nom de l'égalité hommes-femmes. Si nous mettons fin à de vieilles normes sociales et sexuelles sans fondement, il n'y a plus de virginité. La "virginité" n'est pas une "qualité essentielle" parce qu'elle n'existe pas.
G.S
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