Elisabeth Badinter: «Le biberon a été un objet moteur de l’égalité au sein des familles»
POLEMIQUE / Dans son dernier essai, elle dénonce l’apologie de la mère parfaite, s’en prend à l’obligation faite aux mères d’allaiter et à une forme d’écologie qui irait contre la liberté des femmes. Bref, la philosophe féministe ne se fait pas que des amis.
MARIE-CLAUDE MARTIN | 14-02-2010 |
En 1980, dans «L’Amour en plus», Elisabeth Badinter créait une onde de choc en affirmant que l’instinct maternel n’existait pas.
Aujourd’hui, dans «Le Conflit, la femme et la mère», la philosophe montre comment, malgré la contraception, l’émancipation des femmes et leur accès au monde du travail, la maternité se retrouve à nouveau au cœur du destin féminin. Elle parle de «Révolution silencieuse» ou plutôt, de son point de vue de féministe oeuvrant pour l’égalité des sexes, d’involution.
La mère du XXIe siècle
Le livre, sorti le 12 février, fait polémique car la philosophe s’en prend avec ironie aux écologistes, aux pédopsychiatres, à la Leche League, aux sages-femmes, aux éthologues, aux militants du développement durable et aux féministes différentialistes. Une sorte d’alliance objective qui, au nom du bien-être de l’enfant, a créé la mère parfaite du XXIe siècle.
Elisabeth Badinter lui a donné un nom, «la bonne mère écologique.» Son portrait? Elle veut accoucher à la maison, se méfie des césariennes et même des péridurales, elle lave les couches de son bébé pour protéger la planète, l’allaite pendant six mois et à sa demande. Bref une mère qui pour être à la hauteur de sa mission doit lui consacrer un plein temps.
Natalité déficiente
Pourtant, constate Elisabeth Badinter, les pays où la mère est survalorisée, notamment l’Italie, le Japon et l’Allemagne, sont ceux dont la natalité est la plus basse. «Il existe deux freins puissants au désir d’enfant: l’absence d’une politique familiale coopérative pour les femmes et la prégnance sociale du modèle de la bonne mère.
Un nombre toujours plus important de femmes préfèrent s’abstenir plutôt que de passer pour de mauvaises mères. En 20 ans, leur nombre a même doublé en Allemagne. A l’inverse, la France qui n’a jamais identifié la femme à la mère, connaît le meilleur taux de fertilité d’Europe.»
Les Quotidiennes: Etat des lieux de la maternité en ce début de XXIe siècle, votre livre s’intitule « Le Conflit, la femme et la mère.» Où situez-vous ce conflit ?
Elisabeth Badinter: Je montre comment s’est constitué au fil de ces trente dernières années le modèle de la mère idéale. Comment, en ayant le choix de faire ou pas un enfant, les charges et les responsabilités de la mère se sont accrues.
On est passé du don à la dette. Puisque bébé n’a pas demandé à naître, la mère lui doit tout: son temps, son énergie et son lait.
Tout cela en même temps que la société devient de plus en plus hédoniste. Comment passer du «moi d’abord» au «tout pour mon enfant» ? Deux solutions s’offrent alors à elles: rentrer à la maison pour être cette mère parfaite ou ne pas en avoir. Il devient de plus en plus difficile de concilier les deux.
Au cœur de cette révolution maternelle, il y a l’allaitement. En quoi cette pratique ancestrale peut-elle se révéler pernicieuse?
Je ne suis pas contre l’allaitement et pense même que le lait maternel est parfaitement adapté, mais pas pendant six mois et à la demande du bébé, comme le recommande l’OMS et d’autres experts ! Ce n’est plus une recommandation mais une obligation.
Chaque semaine, on trouve de nouvelles vertus au lait maternel et de nouvelles raisons de se méfier du biberon. «Vous devez donner le meilleur à votre bébé» entend-on partout. Quelle mère supporterait de ne pas donner le meilleur? La culpabilité est une arme imparable.
Il y a aussi une autre raison: contrairement au biberon, l’allaitement ne peut se faire que par la mère.
Le biberon, je n’hésite pas à le dire, a été un objet moteur de l’égalité des sexes à l’intérieur des familles. Il a permis de décharger les mères. Or, justement, le point culminant de l’inégalité des sexes se manifeste dans le travail domestique.
Plus il y a d’enfants, plus les femmes sont astreintes à ce travail, parfois jusqu’à 90% comme le révèle les dernières statistiques européennes. Si on exclut dès la naissance le père de ses responsabilités coparentales, il y a peu de chances qu’il y revienne par la suite. De fait, presque logiquement, la femme reste à la maison.
La suite ici.
Découvert via Sexactu.
POLEMIQUE / Dans son dernier essai, elle dénonce l’apologie de la mère parfaite, s’en prend à l’obligation faite aux mères d’allaiter et à une forme d’écologie qui irait contre la liberté des femmes. Bref, la philosophe féministe ne se fait pas que des amis.
MARIE-CLAUDE MARTIN | 14-02-2010 |
En 1980, dans «L’Amour en plus», Elisabeth Badinter créait une onde de choc en affirmant que l’instinct maternel n’existait pas.
Aujourd’hui, dans «Le Conflit, la femme et la mère», la philosophe montre comment, malgré la contraception, l’émancipation des femmes et leur accès au monde du travail, la maternité se retrouve à nouveau au cœur du destin féminin. Elle parle de «Révolution silencieuse» ou plutôt, de son point de vue de féministe oeuvrant pour l’égalité des sexes, d’involution.
La mère du XXIe siècle
Le livre, sorti le 12 février, fait polémique car la philosophe s’en prend avec ironie aux écologistes, aux pédopsychiatres, à la Leche League, aux sages-femmes, aux éthologues, aux militants du développement durable et aux féministes différentialistes. Une sorte d’alliance objective qui, au nom du bien-être de l’enfant, a créé la mère parfaite du XXIe siècle.
Elisabeth Badinter lui a donné un nom, «la bonne mère écologique.» Son portrait? Elle veut accoucher à la maison, se méfie des césariennes et même des péridurales, elle lave les couches de son bébé pour protéger la planète, l’allaite pendant six mois et à sa demande. Bref une mère qui pour être à la hauteur de sa mission doit lui consacrer un plein temps.
Natalité déficiente
Pourtant, constate Elisabeth Badinter, les pays où la mère est survalorisée, notamment l’Italie, le Japon et l’Allemagne, sont ceux dont la natalité est la plus basse. «Il existe deux freins puissants au désir d’enfant: l’absence d’une politique familiale coopérative pour les femmes et la prégnance sociale du modèle de la bonne mère.
Un nombre toujours plus important de femmes préfèrent s’abstenir plutôt que de passer pour de mauvaises mères. En 20 ans, leur nombre a même doublé en Allemagne. A l’inverse, la France qui n’a jamais identifié la femme à la mère, connaît le meilleur taux de fertilité d’Europe.»
Les Quotidiennes: Etat des lieux de la maternité en ce début de XXIe siècle, votre livre s’intitule « Le Conflit, la femme et la mère.» Où situez-vous ce conflit ?
Elisabeth Badinter: Je montre comment s’est constitué au fil de ces trente dernières années le modèle de la mère idéale. Comment, en ayant le choix de faire ou pas un enfant, les charges et les responsabilités de la mère se sont accrues.
On est passé du don à la dette. Puisque bébé n’a pas demandé à naître, la mère lui doit tout: son temps, son énergie et son lait.
Tout cela en même temps que la société devient de plus en plus hédoniste. Comment passer du «moi d’abord» au «tout pour mon enfant» ? Deux solutions s’offrent alors à elles: rentrer à la maison pour être cette mère parfaite ou ne pas en avoir. Il devient de plus en plus difficile de concilier les deux.
Au cœur de cette révolution maternelle, il y a l’allaitement. En quoi cette pratique ancestrale peut-elle se révéler pernicieuse?
Je ne suis pas contre l’allaitement et pense même que le lait maternel est parfaitement adapté, mais pas pendant six mois et à la demande du bébé, comme le recommande l’OMS et d’autres experts ! Ce n’est plus une recommandation mais une obligation.
Chaque semaine, on trouve de nouvelles vertus au lait maternel et de nouvelles raisons de se méfier du biberon. «Vous devez donner le meilleur à votre bébé» entend-on partout. Quelle mère supporterait de ne pas donner le meilleur? La culpabilité est une arme imparable.
Il y a aussi une autre raison: contrairement au biberon, l’allaitement ne peut se faire que par la mère.
Le biberon, je n’hésite pas à le dire, a été un objet moteur de l’égalité des sexes à l’intérieur des familles. Il a permis de décharger les mères. Or, justement, le point culminant de l’inégalité des sexes se manifeste dans le travail domestique.
Plus il y a d’enfants, plus les femmes sont astreintes à ce travail, parfois jusqu’à 90% comme le révèle les dernières statistiques européennes. Si on exclut dès la naissance le père de ses responsabilités coparentales, il y a peu de chances qu’il y revienne par la suite. De fait, presque logiquement, la femme reste à la maison.
La suite ici.
Découvert via Sexactu.
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