lundi 23 janvier 2012

Le masculin l'emporte sur le féminin

Récemment, j'ai pu observer des situations assez intéressantes en lien avec la féminisation de la langue française à l'oral. Des situations qui, selon moi, mettaient en perspective la manière dont la langue et surtout une de ses règles centrales, le fameux : Le masculin l'emporte sur le féminin, influence notre pensée.
Les différents évènements ont en commun qu'on y sentait un malaise important à l'origine de l'incident. Ces situations de malaise dans le groupe peuvent être une source intéressante de réflexion sur le sexisme de la langue. 

Situation 1

Un interlocuteur s'adresse à un groupe majoritairement constitué de femmes. Celui-ci emploie donc fréquemment le féminin pour interpeller le groupe par exemple ''... en tant que travailleuses, vous ...''. Malgré que ce choix semble assez logique, une femme lève toutefois la main après un moment pour demander avec un certain malaise: ''Pourquoi est-ce que vous parlez au féminin?'' L'interlocuteur de répondre que le groupe est majoritairement féminin.

On peut voir que même lorsque l'emploi du féminin peut sembler rationnel pour désigner un groupe majoritairement féminin, les années de martèlement avec le masculin l'emporte sur le féminin crée un malaise ou un inconfort assez grand pour aller jusqu'à prendre la parole pour questionner ce choix.

Situation 2

Une femme fait un exposé oral sur son milieu de travail. En décrivant son milieu, elle désigne l'ensemble des personnes avec qui elle travaille au féminin par exemple, ''... les autres travailleuses...''. Tout de suite après, elle marque une petite pause, a un rire de malaise et s'empresse de dire qu'elle ne dit pas ça pour être sexiste. En fait, il n'y a que des femmes dans son milieu d'où l'utilisation du terme féminin.

Cette situation est assez incroyable de mon point de vue. Une femme s'est senti obligée de se justifier pour avoir utilisé le féminin dans une situation où c'était la chose à faire selon la langue française (puisque ses collègues étaient toutes des femmes).

J'ai rarement vu des personnes qui n'ont pas féminisé un terme se reprendre instantanément avec malaise pour se défendre d'être sexiste tandis que c'est le cas pour une femme qui fait un usage correct de la langue française.

Situation 3

J'ai observé celle-ci plus d'une fois et elle me marque toujours autant. Une personne dans un groupe, un prof, un conférencier ou toute autre personne parle à un groupe constitué majoritairement de femmes. Il féminise les termes pour désigner le groupe par exemple les étudiantes, les travailleuses, les citoyennes etc. À noter que c'est assez rare, plusieurs vont continuer à quand même utiliser des termes au masculin.  Cependant, lorsque cela se produit, presque toujours les garçons de la salle démontrent soit un malaise, un inconfort ou une frustration qui parait dans leur langage corporel ou qu'ils expriment verbalement. Si la personne qui parlait le remarque (c'est le cas la plupart du temps, car les réactions sont assez visibles) elle se confond en excuse et rassure le groupe que les garçons sont bel et bien là malgré que peu nombreux. 

N'est-ce pas ce que les femmes vivent chaque jour de leur vie? On leur apprend toutes jeunes que le masculin l'emporte sur le féminin. On les écarte de notre discours et de nos écrits. On ne les nomme jamais. Ai-je déjà vu une personne s'excuser de ne pas ''nommer'' les femmes présentes?

Par contre, lorsque (rarement) un garçon vit cette situation, celui-ci s'en offusque et éprouve un malaise. Il a été habitué que son genre soit celui qui prédomine. Il est toujours nommé, même que son genre peut désigner toute l'espèce humaine, il est un Homme après tout.



Par hasard, cette semaine (ça tombe bien!), j'ai vu un article publié par Le Monde sur la féminisation!

Un article de France, Genre, le désaccord, qui parle de la règle ''Le masculin l'emporte sur le féminin'' et d'une possible alternative qu'est la règle de proximité.

Extrait :
"Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte", affirme l'abbé Bouhours en 1675. "Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle", complète élégamment, en 1767, le grammairien Nicolas Beauzée.

"Cette règle grammaticale qui instaure la domination du masculin sur le féminin est historiquement très datée : elle nous renvoie à la monarchie absolue, au Roi-Soleil et au catholicisme triomphant, regrette Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherches au CNRS. La langue, c'est l'architecture de la pensée. Nous sommes au XXIe siècle : adoptons donc la règle de proximité, qui est plus simple et plus esthétique. Elle sonne mieux à l'oreille, elle offre plus de liberté dans l'écriture, et surtout, elle est plus égalitaire."

3 commentaires:

  1. Si cela vous intéresse, il sortira bientôt (en France) le premier roman francophone écrit sous la règle de proximité : http://editionscogitoergosum.over-blog.com/article-la-regle-de-proximite-78384823.html

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  2. Comme c'est l'ancienne règle, ce ne doit pas être tout à fait le premier, mais plutôt,le premier depuis très longtemps maintenant...

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  3. Diviser et régner. Pourquoi genrifier le langage et ne pas adopter un modèle plus près de l'anglais. En tant que personne de sexe masculin, je ne suis pas à l'aise avec le fait que le masculin l'emporte dans la langue française, signe de l'évolution de la lutte. Néanmoins j'ai un grand malaise à utiliser les deux genres partout dans un texte. La société dans laquelle je vit doit-elle constamment marteler les différences plutôt que de s'unir? La problématique de la langue est qu'elle échappe aux instances démocratique. La langue est dictée par une élite intellectuelle nommée et non élue. Tant que les instances qui régulent la langue ne sont pas du ressort des gens qui emploient cette langue, c'est comme se battre contre le vent.

    Le combat selon moi ne devrait pas être de féminiser la langue mais bien de retirer le genre ou de créer une forme alternative qui l'exclut. Quand à la règle de proximité elle est fondée en théorie mais en pratique elle est difficile à appliquer surtout dans une grand rassemblement. Je ne serais pas à l'aise de dire travailleur plus que travailleuse selon un milieu de travail donné.

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