mardi 30 avril 2013

Femmes et électrochocs en 2013

Ce titre fait sursauter. Des électrochocs en 2013? Des images assez sombres nous viennent en tête des années 50-60, où les électrochocs étaient pratiqués à froid et servaient bien souvent comme outil pour punir et réprimer plutôt que pour soigner. Suite à de nombreuses critiques durant les années 70 et à l’arrivée de plusieurs traitements pharmaceutiques, l’utilisation des électrochocs a diminué.

L’utilisation des électrochocs, maintenant appelée électroconvulsothérapie, ECT ou bien sismothérapie, semblent faire un retour en force dans beaucoup de pays occidentaux. Le nombre de séances d’électrochocs a doublé au Québec entre 1988 et 2003.  En 2011, plus de 6000 traitements aux électrochocs ont été administrés à un nombre indéterminé de personnes à travers la province.

Bien que maintenant, le traitement s’effectue sous anesthésie et avec un relaxant musculaire pour éviter les risques de fracture, la procédure reste la même. On fixe des électrodes unilatéralement ou bilatéralement sur la tête de la personne et on envoie un courant électrique pour provoquer une convulsion. Un traitement comprend plusieurs séances à une fréquence de 2 à 3 fois par semaine. Les études scientifiques n’arrivent toujours pas à expliquer comment le traitement produit des effets thérapeutiques.

En principe, les électrochocs sont un traitement de dernier recours spécifiquement pour les dépressions profondes et résistantes aux médicaments. Il nécessite également le consentement de la personne. En pratique, il semblerait que le traitement soit offert à des personnes ayant d’autres diagnostics tels que la schizophrénie, la maniaco-dépression, la psychose, les troubles paranoïdes, etc. De plus, les réalités vécues par les personnes peuvent venir restreindre considérablement le consentement. Effectivement, pour qu'il y ait réellement consentement, celui-ci doit être libre et éclairé.
Libre : sans promesse ni menace, de son plein gré et sans que les facultés soit altérées.
Éclairé : Où on dispose de toutes les informations nécessaires notamment sur le but du traitement, ses effets, la procédure, les risques et les traitements alternatifs.

Il n’y a pas de consensus sur l’efficacité du traitement par électrochocs. Cependant, les effets secondaires observés peuvent être importants surtout au niveau de la mémoire. Le Ministère de la santé et des Services sociaux du Québec a demandé à l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS), agence gouvernementale chargée d’évaluer les techniques et interventions et d’émettre des recommandations dans le domaine de la santé, de lui faire un rapport sur la situation de l’utilisation des électrochocs au Québec. Ce rapport a été publié en 2003. Dans son rapport l'Agence précisait que les incertitudes quant à l'efficacité et aux risques de l'ECT demeurent importantes et y formulait sept recommandations visant à encadrer cette pratique psychiatrique. Aucune n'a été mise de l’avant par le ministère depuis.

Il existe peu de statistiques sur cette pratique au Québec. Les groupes communautaires québécois ont maintes fois demandé des chiffres au ministère de la santé.  Parmi les chiffres obtenus par le comité Pare-chocs qui militent contre l’utilisation des électrochocs, on découvre entre autre que 
50% des électrochocs seraient donnés à des femmes de 50 ans et plus,
41% à des personnes âgées de 65 ans et plus,
Près de 10% à des femmes de 80 ans et plus,
et 75% à des femmes.

En lien avec ces données le comité organise chaque année à Montréal un événement le jour de la fête des mères contre les électrochocs.
Un septième rassemblement pour que cesse la violence à l’égard des femmes, des mères et des grands-mères
À l’occasion de la fête des Mères, un important rassemblement aura lieu le 11 mai prochain à Montréal pour demander l’abolition des électrochocs en psychiatrie. Les deux tiers des électrochocs sont donnés à des femmes. Selon des données obtenues par le comité Pare-chocs, 50% des électrochocs seraient donnés à des femmes de 50 ans et plus et 41% à des personnes âgées de 65 ans et plus. Près de 10% seraient administrés à des femmes de 80 ans et plus.  Rappelons que selon une étude récente les électrochocs causent plus de dommage chez les femmes et les personnes âgées. Le nombre de séances d’électrochocs avait doublé au Québec entre 1988 et 2003.  Aujourd’hui, on les compte toujours par milliers.  S’il n’est pas immédiatement aboli, ce traitement doit être placé sous haute surveillance et faire l’objet d’un débat public. 
Quoi : Rassemblement « Disons NON aux électrochocs ».
Quand : Le samedi 11 mai 2013 à 11h00.
Où : Montréal, Place Émilie-Gamelin (métro Berri-UQAM, sortie Sainte-Catherine).
Animation : Participation de la troupe KUMPA’NIA

Photo du rassemblement de 2012

Le comité soulève également qu’en matière d’électrochocs, il existe plus de questions que de réponses : 
« Combien d’électrochocs sont réellement prescrits au Québec?
Pourquoi les deux tiers sont-ils administrés à des femmes?
Pourquoi les femmes âgées de 65 ans et plus sont-elles plus susceptibles de subir cette intervention?
Pourquoi donne-t-on des électrochocs à des personnes âgées de plus de 80 ans?
Est-ce que l’électrochoc n’est utilisé qu’en dernier recours?
Combien d’électrochocs sont donnés aux enfants?
Combien de personnes décèdent ou subissent des séquelles permanentes suite aux électrochocs?
Malgré les recommandations de votre propre ministère, pourquoi n’apportez-vous aucun encadrement à cette pratique controversée? »


Force est de constater que les électrochocs sont bel et bien un enjeu féministe. D’ailleurs, le mouvement féministe a dénoncé à de mainte reprise l’aspect sexiste et patriarcal de la psychiatrie qui tend à diagnostiquer très facilement des problèmes de santé mentale aux femmes. On oublie facilement que derrière les étiquettes qu’on colle à ces femmes, se retrouve des réalités de vie forgées par des conditions structurelles, sociales et économiques. Si les diagnostics sont politiques, probablement que les traitements également! 

En plus de déconstruire nos préjugés envers les personnes avec des problèmes de santé mentale, nous devrions également leur offrir tout le soutien qu’elles méritent. Des traitements humains et des ressources suffisantes qui prennent en compte les gens dans leur globalité et les situent dans leur environnement social. Encore plus important, nous devrions garder en tête que bien souvent c’est la société patriarcale qui nuit à la santé physique, psychologique et spirituelle des femmes. Et si c’était le patriarcat qu’il faudrait plutôt électrocuter? 


Pour en savoir plus :

Les électrochocs – Aide-mémoire de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)

Le Comité Pare-chocs

Électrochocs : un traitement toujours controversé – Reportage de la première chaîne de Radio-Canada

L’utilisation des électrochocs au Québec – Rapport de l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé

Les électrochocs, une forme de violence contre les femmes - Bonnie Burstow, Ontario Institute for Studies in Education

Shock tactics. Why so many women are still coerced into electro-convulsive therapy – The Guardian

Électrochocs - Des femmes dénoncent! p.10-12

“Why isn’t the feminist blogosphere all over this?”

Psychiatry: Oppressive, Paternalistic Social Control & Bad for You, Mmm’kay?

lundi 22 avril 2013

Paparazzi & creepshots - Outils de contrôle du corps des femmes



Les magazines sur les célébrités et les potins de la dernière heure sont monnaie courante dans les kiosques à journaux. Le vedettariat américain est d’une importance presque sans mesure, c’est  un des endroits où le phénomène des paparazzis est extrêmement présent. Les paparazzis sont des photographes qui ont pour domaine de prédilection la vie privée des célébrités. Ces photographes, la plupart du temps indépendants, poursuivent les célébrités et  vendent par la suite leurs clichés aux médias. 

Culture «  Paparazzi  »





Il est difficile d’imaginer ce à quoi peut ressembler un quotidien sans vie privée où tous nos faits et gestes peuvent être illustrés sans notre consentement dans les magazines. Question d’avoir un cliché savoureux, les paparazzis cherchent à surprendre les célébrités en situation vulnérable ou jugée «humiliante». On a qu’à  penser aux photos prises d’Amy Whinehouse lorsqu’elle avait vécu des problèmes de consommation de drogue.  On voit  souvent des grands titres qui commentent le physique des stars accompagnés de photos peu flatteuses. Bien sûr, l’article qui accompagne la photo rappelle combien celle-ci a pris du poids, celle-là est laide sans maquillage, l’autre a commis le sacrilège de ne pas se raser…  Loin de s’offusquer d’un traitement aussi rude, le public continue d’acheter ces magazines. 





Certains rétorqueront que c’était leur choix de devenir célèbre, que cela fait partie du jeu et qu’elles doivent l’assumer. On constate à ce moment combien l’entreprise de déshumanisation des célébrités est fortement ancrée dans les mentalités. Et si les paparazzis en avaient soudainement après vous?   Il y a une différence entre une photographie prise à son insu et une photographie prise avec notre consentement, cela vaut pour tout le monde.  D’ailleurs, le déni du consentement qui définit la pratique des paparazzis est une forme de prise de pouvoir sur la personne photographiée. Cette prise de pouvoir s’accompagne souvent de comportements agressifs: poursuite automobile, harcèlement, agression.  Plusieurs vedettes ont fait appel à des injonctions pour se protéger des paparazzis. Les femmes, en plus de l’attitude agressive, doivent parfois faire face au harcèlement sexuel. Par exemple, il n’est pas rare que les paparazzis tentent de faire ce qu’on nomme des «  upskirt shot  », c’est-à-dire de prendre des clichés sous leurs jupes lorsqu’elles sortent d’une automobile. De plus, les journaux font souvent les grands titres en s’offusquant des moments où une vedette s’en prend aux paparazzis oubliant de mentionner le contexte dans lequel la célébrité a commis ces gestes.

Mis à part les conséquences sur la vie privée et la dignité de ces vedettes, en quoi la culture «  paparazzi  »  a-t-elle des impacts sur notre quotidien?  Et bien, si des photographes, des magazines, les médias télévisés ainsi que les consommateurs et consommatrices de ces photos trouvent acceptable le harcèlement subit par les célébrités, plus particulièrement les femmes, vont-ils s’offusquer que le même sort soit réservé à d’autres personnes?


Phénomène des creepshots

En effet, il me semble qu’on peut établir de nombreux liens avec le phénomène des creepshots qui prend de l’expansion sur le web. Qu’est-ce que les creepshots? Ce sont des photos prises d’une personne sans son consentement. Les creepshots sont généralement des clichés des fesses d’une femme, de son décolleté ou d’une prise de vue sous sa jupe.

Sur le populaire site Reddit, où les utilisateurs et utilisatrices peuvent mettre du contenu, ils existent plusieurs forums de creepshots. Les internautes s’y donnent des conseils pour obtenir de bons clichés et publient leurs photos.  On peut y voir des centaines d’images de femmes, attendant le train, emballant leur épicerie, debout sur un escalier roulant,  toujours avec des prises de vue de leurs fesses, de leur poitrine ou de leur entrejambe. On peut également probablement y observer des jeunes femmes mineures puisque plusieurs clichés semblent être pris dans des contextes scolaires. À cela s’ajoute des centaines d’autres sites web qui contribuent à la «  sous-culture  » des creepshots. Le but étant de prendre des photos à l’insu des femmes et des filles, les partager et récolter de la reconnaissance et des commentaires.  Aussi horrifiant cela soit-il, il semble que pour les internautes qui consultent ces sites web et les photographes amateurs qui les alimentent, il soit tout à fait acceptable de violer la vie privée et la dignité d’autrui. La réalité est que le mouvement «  creepshots  » se définie par le fétichisme du non consentement des femmes.

D’ailleurs un de ces sites mentionne explicitement dans sa description le lien étroit entre les creepshots et les paparazzis  : "When you are in public, you do not have a reasonable expectation of privacy. We kindly ask women to respect our right to admire your bodies and stop complaining. We are no different than paparazzi."
(Traduction libre  : Lorsque vous êtes en public, vous ne pouvez pas raisonnablement espérer de vie privée. Nous demandons gentiment aux femmes de respecter notre droit d'admirer leurs corps et d’arrêter de se plaindre. Nous ne sommes pas différents des paparazzis.)


On peut y déceler le message que les femmes devraient accepter le fait que leur corps soit en permanence l’objet du regard masculin, voire même s’en sentir flatter. De plus, on voit bien que les creepshots semblent s’appliquer seulement aux femmes. Une rapide recherche sur le web mène au constat que les victimes de creepshots sont presque exclusivement des filles ou des femmes.

Traduction libre : Ce n'est pas parce que je suis dans un espace
public que mon corps devient une propriété publique.
Ainsi, cette nouvelle tendance tend à renforcer le contrôle de la société sur le corps des femmes. Effectivement, non seulement ces photos dénigrent souvent les femmes qui y figurent, mais elles sont également un symbole puissant qui lance le message que les femmes, où qu’elles soient, peuvent se faire prendre en photo à leur insu et voir celles-ci circuler sur le web avec presque aucun recours. Il semble que l’avènement des nouvelles technologies ait en quelque sorte créé un nouveau type de harcèlement sexuel qui vient renforcer de manière encore plus insidieuse l’idée que les femmes sont disponibles et «  à la merci  » de tous, en tout temps et en tout lieu. Le corps des femmes devient une propriété publique qui peut être possédé, admiré ou dénigré.







Au Québec, l’émission Paparadis

On pourrait croire que le Québec se sauve de cette culture «  paparazzi  », malheureusement nous aurions tort. Effectivement, en 2010, Mélissa Paradis, une paparazzi professionnelle d’Hollywood, s’est associée à VRAK.TV pour diffuser l’émission Paparadis.
« Jet set, primeurs, accès exclusifs... ou interdits! Avec Paparadis, la paparazzi Mélissa Paradis a maintenant son magazine télé et t'entraîne au coeur du star-système hollywoodien! En plus des capsules que tu connais déjà, Mélissa te fait découvrir les coulisses et les lieux les plus glam d'Hollywood, tout en couvrant les événements les plus courus de la capitale du cinéma. » 
L’émission pour adolescentes et adolescents est encore actuellement en onde. On y retrouve  l’attitude malsaine classique des paparazzis. La volonté d’avoir absolument une photo, même si la vedette refuse clairement, est omniprésente.  L’animatrice de l’émission décrit cette aspect de son travail en disant qu’elle doit gérer avec la «  non collaboration  » des vedettes. En d’autres mots, elle essaie d’obtenir les photos qu’elle désire malgré l’absence de consentement.  Bref, une belle émission sur l’art de la violation de la vie privée.


Quelques exemples du langage (similaire à la chasse) utilisée dans le cadre de l’émission  :

«  Quand les stars vont se chercher de quoi à manger, c’est toujours plus facile de les coincer, elles ne peuvent pas se sauver  » 
«  J’ai commencé ma chasse avec John  » 
«  Parfois les vedettes ne veulent pas se faire prendre en photo et tentent de se cacher, il arrive même qu’elles ne collaborent pas du tout  »

Est-ce qu’espionner des célébrités, user de stratégies pour s’infiltrer dans leur vie privé afin de nourrir l’obsession des fans peut être considéré comme un métier que l’on veut présenter aux adolescents et adolescentes comme positif et utile à la société?

Comble de l’hypocrisie, VRAK.TV se targue de promouvoir l'estime de soi et une image corporelle saine et diversifiée dans le cadre d’un concours L'égalité à l'œuvre.

Comment une chaîne peut prétendre encourager l’égalité entre les hommes et les femmes quand elle fait explicitement la promotion d’une industrie qui se base sur le contrôle du corps des femmes. En plus, de rendre «  glamour  » un métier basé sur le non respect du consentement, cette émission propage les messages nocifs de cette industrie qui encourage les femmes à juger et se moquer de l’apparence de leurs consœurs. On est à milles lieux d’inculquer le respect des autres, l’estime de soi et la nécessité d'images corporelles saines et diversifiés aux jeunes filles et garçons. 

Nul doute qu’il faut entamer une sérieuse réflexion sur le phénomène «  paparazzi » et ses dérivés, dont les creepshots. Une remise en question d’autant plus importante qu’à la base cela concerne la notion de consentement ainsi que l’image des femmes et le contrôle de leurs corps. 

Si cet article vous a interpellés, nous vous invitons à laisser des commentaires sur l’émission Paparadis à VRAK.TV, simplement suivre ce lien  : 
Contacter VRAK.TV

Et inviter vos amiEs à faire de même!