mardi 29 mai 2012

Manifestantes et voyeurisme



Vous avez peut-être entendu parler du blog (et du vidéo) Hot Chicks of Occupy Wall Street. En somme, ce sont deux photographes qui ont décidé de compiler des photos de belles femmes selon leurs standards de beauté. Cette citation représente bien l’esprit derrière le concept :
Wow, seeing all those super smart hot chicks at the protest makes me want to be there… Hmmm… Yeah, let’s go with that. 
Traduction libre : Wow, voir toute ces superbes poulettes aux manifestations me donne le goût d’être là… Hmmm… Ouais, allons s’y avec ça. 
Bref, des voyeurs en puissance qui ont fait réagir avec raison les milieux féministes américains. Comme le souligne un article sur SPARK, plusieurs aspects sont problématiques. La vision des militantes propagée par ce type de blog est qu’elles ne se définissent que par leur apparence physique. On se moque de leur combat politique, leur initiative et leur travail; tout ce qui importe c’est si elles plaisent ou non aux deux photographes hétérosexuels du blog. Elles ne sont pas des camarades de lutte, mais des objets sur lequels on peut jeter notre regard. Le pire c’est que ces photos sont souvent prises à l’insu des femmes et sans leur consentement pour ensuite figurer sur un blog ou dans des vidéos pour être soumis au regard de tous. 

On pourrait se dire que ce ne sont que des photographies. Pourquoi en faire un plat? En fait, l’objectification des militantes est loin d’être banale et encore moins l’absence de consentement. Il ne faudrait pas oublier que les militantes vivent l’oppression au quotidien notamment par la brutalité policière sexiste (insultes genrées, fouilles, menaces) et au sein même des milieux de gauche. D’ailleurs la réaction anti-féministe du créateur du blog suite aux critiques est la preuve que rien n’est acquis dans les mouvements contestataires. 

 Est-ce que ce phénomène s'observe dans le cadre de la mobilisation étudiante au Québec?

Il semble que oui. En fait, le souvenir des ''Hot Chicks'' de Occupy m'est revenu en tête lorsque j'ai vu un photographe prendre en photo de très près des manifestantes sans demander leur consentement. D'ailleurs, la plupart était extrêmement mal à l'aise. Il s’avère après une petite recherche rapide parmi les albums photo des manifestations que les portraits des manifestantes sont souvent sensiblement semblables, reflète les stéréotypes de genre et sont parfois très intrusives. Elles représentent le plus souvent des femmes blanches, jeunes et maigres. En plus de l’uniformité, il est difficile de trouver des photographies où on retrouve des femmes en action. Les photos de femmes souriantes qui prennent la pose sont monnaie courante. Femmes qui font des bulles, avec fleurs, avec maquillage rouge, avec un regard pensif,  bref la passivité et le féminin sont associés et appréciés de la plupart des photographes.  Encore une fois, le consentement semble très rare tandis qu’il serait important surtout lorsque des portraits de près sont pris et diffusés largement sur le web. C’est sans oublier le voyeurisme ambiant des quelques manifestations nues qui se sont déroulées au Québec. Les photographes, les médias et parfois les militants eux-même s’émoustillent facilement en voyant des paires de seins, s’en suivent des commentaires pas toujours agréables et une tonne de photos. 

Les femmes prennent la rue pour s’approprier du pouvoir, pas pour qu’on les soumette à un regard sexiste qui les réduit à leur apparence physique. 



Article sur Hot Chicks of Occupy Wall Street
SPARK: The ‘Hot Chicks’ of Occupy Wall Street
Sociological images : On “Hot Chicks of Occupy Wall Street”
Feministe : Hot Chicks of Occupy Wall Street